Nous célébrons le 80ème anniversaire de la rafle du Vél' d'Hiv' perpétrée en juillet 1942 par les services de police français, sur ordre de la Préfecture de Paris. Les français de confession juive furent arrêtés et parqués pendant plusieurs jours, sans eau ni nourriture, au vélodrome d'hiver, non loin de la Tour Eiffel. De là, ils furent conduits dans les camps d'internement du Loiret, avant d'être remis aux forces allemandes qui les déportèrent à Auschwitz. Près de 13 000 personnes furent arrêtées. 800 d'entre elles survécurent. Nous commémorons ces évènements qui rappellent les pages les plus sombres de l'histoire de France et de l'histoire européenne. Nous parlons du devoir de mémoire. Nous citons Brecht, à cette occasion, pour avertir de la permanente fécondité du ventre de la bête immonde. Et nous concluons : "Plus jamais ça !" Pourtant, en 2022, il est manifeste que l'antisémitisme est le premier parti de France.

Cette année anniversaire de la rafle du Vél' d'Hiv' a été choisie volontairement par le monde de l'édition pour célébrer Louis-Ferdinand Céline, dont l'antisémitisme froissait jusqu'à l'occupant nazi lui-même ! Le même Céline qui se félicitait de l'arrestation en masse des Juifs de France. Dans les colonnes du Pilori, en juillet 1942, il annonçait la fin du "règne du Juif". Les rafles, pour lui, sont ainsi "les mesures préliminaires" préparant des "mesures d'ordre général et définitives". Et Céline d'avertir son lecteur : "Et que l'on ne prenne pas cette affirmation pour des mots en l'air." La France antisémite savait !

Dès les années 30, Céline est l'auteur de Bagatelles pour un massacre et de L'école des cadavres appelant de ses voeux au meurtre de ceux que l'antisémitisme, de Drumont à Proudhon, appelait "les ennemis du genre humain".

Ainsi en France, en 2022, nul ne voit de mal à célébrer l'antisémitisme, la haine des juifs. Refuser de considérer Céline pour autre chose que ce qu'il est, un antisémite et un traître à la France comme à la République, c'est être soi-même un antisémite.

Jamais depuis 1944, le débat politique français n'a porté aussi haut l'expression antisémite à l'occasion d'élections. Le constat est accablant.

En effet, 80 ans après les rafles menées par les autorités françaises contre les Juifs de France, on nie encore la politique de persécution antisémite du Maréchal Pétain et de l'Etat Français.

La citoyenneté des français de confession juive assassinés à L'Ecole Ozer Hatorah, à Toulouse en 2012, est remise en cause par le soupçon du thème antisémite éculé de "la double-allégeance".

En 2022, certains dénoncent "la finance internationale" quand d'autres invectivent "le capital apatride". les deux expressions renvoient au mythe des juifs et de l'argent, mensonge bimillénaire et, désormais, transpartisan.

Des candidats s'affichent aux côtés du député travailliste britannique Jeremy Corbyn dont le nom est désormais synonyme d'antisémitisme au sein du parti travailliste.

A Avignon, les collectivités locales subventionnent des fresques antisémites représentant un juif, tel un marionnettiste, dirigeant un chef de l'Etat. L'image n'est que la copie de la caricature antisémite la plus vile qui peuplait la propagande de Vichy et du IIIème Reich. Les élus incriminés, qui ne sont pas d'extrême-droite, ont invoqué la liberté d'expression pour refuser dans un premier temps de faire recouvrir la fresque. 

L'antisémitisme finit ainsi sa banalisation dans le paysage politique français. Le temps efface tout. Même les valeurs morales et éthiques ! On peut ainsi pleurer sur le sort des victimes de la Shoah et considérer l'antisémitisme comme une opinion relevant de la liberté d'expression, en France, 80 ans après la rafle du Vél' d'Hiv'. Alors, "Plus jamais çà" ?