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21 février 2011 1 21 /02 /février /2011 21:32

Tamar_Kibboutz.jpgLe 19 février 2011, à la Maison de la Culture de Bourges, l'association France-Israël du Cher tenait son assemblée générale. A l'issue de leurs travaux, les membres ont écouté le témoignage de Tamar sur sa vie au kibboutz Ein Shemer.

 

Issu du mot hébreu kvoutza, "le groupe", le kibboutz, littéralement "réunion", a une double origine : celle des utopies sociales du XIXème siècle et celle du sionisme. Le modèle de sa structure puise notamment chez Charles Fourier, l'inventeur du phalanstère. Opérant une critique de l'économie industrielle, générant par des stratagèmes des plus-values artificielles contribuant à creuser les écarts inégalitaires entre riches et pauvres, Fourier propose d'établir un modèle social fondé non plus sur l'individu mais sur une collectivité égalitaire pourvoyant aux besoins de ses membres. Cette idée rencontre le sionisme qui se propose de regénérer le peuple juif par la mise en culture de la Terre d'Israël. Inspiré par le rabbin Zvi Kalisher, ce retour à la terre doit permettre de tourner le dos à la vie diasporique et de donner naissance à une société nouvelle. Ainsi se fondera, en 1909, à Degania, le premier kibboutz.

 

Symbolisant l'Etat d'Israël, dans l'imaginaire collectif, le kibboutz a donné au pays son élite politique et militaire. Il a eu une fonction importante dans la création et les premiers pas de l'Etat d'Israël, favorisant tout à la fois le peuplement de la terre, sa mise en culture assurant son autonomie alimentaire et de créer des postes avancés face aux adversaires d'Israël.

 

Le témoignage de Tamar permet d'en saisir le fonctionnement interne. Née à Ein Shemer, kibboutz du mouvement Hashomer Hatzaïr, elle est un témoin privilégié de ce système égalitaire et collectiviste. Parce que le kibboutz a connu de grandes mutations depuis vingt ans, nous userons du passé au cours de cette description.

 

Les enfants vivaient à part des adultes. Si ces derniers logeaient dans une chambre sans commodités, les enfants habitaient une maison sous la tutelle de leurs nourrices. Après les travaux de la journée, les parents retrouvaient les enfants pour jouer, les aider à faire leurs devoirs ou leur raconter des histoires. L'éducation était dispensée dans l'école du kibboutz, pour les petites classes, et dans l'établissement partagé par plusieurs kibboutz, collège et lycée, pour les plus grands. Les enfants bénéficiaient de sorties à travers le pays pour découvrir leur histoire et leur environnement. Le système éducatif était entièrement pris en charge par le kibboutz.

 

Originellement à vocation agricole, les kibboutz ont développé de petites et moyenne industries à côté de la culture de la terre et de l'élevage. Les activités étaient égalitairement partagées par les membres. Un tableau indiquait dans la salle à manger commune à quelles taches ils devaient vaquer durant la journée. Le même tableau mettant en exergue le nom des membres qui s'étaient affranchis de leurs devoirs, les exposant à la vindicte du groupe.

 

Toutes les décisions étaient prises par l'assemblée des habitants. Ce n'est que tardivement que des secrétariats généraux furent périodiquement élus pour représenter le groupe. Ainsi pouvaient être définis les besoins des membres et la répartition des biens de consommation courante entre les familles. Le kibboutz fournissait chaussures et vêtements. Le pantalon était porté par les hommes et les femmes dans un souci d'égalité. Pour les sorties en ville, chacun se voyait attribuer robes et tenues de ville par la collectivité sans choix possible. Ces tenues étant ensuite rapportées pour être attribuées à d'autres membres.

 

Le Hashomer Hatzaïr étant un mouvement sioniste d'extrême-gauche laïc, la religion n'avait pas sa place. Les fêtes inspirées de la liturgie comme Pessah étaient transformées sur un mode kibboutznik mettant en avant une symbolique agricole. Le Yom Kippour était purement et simplement ignoré, un jour de travail comme les autres alors que le jour est chômé en Israël. Pas de rabbins non plus pour la célébration de mariage. Les noces étaient entièrement organisées par le kibboutz lui-même et souvent plusieurs noces se déroulaient en même temps où circulait, entre les couples, la même paire d'alliances.

 

Le système, regroupant aux alentours de 2% de la population israélienne, a connu un déclin à la fin des années 1970. Le poids de la vie collective a parfois été un repoussoir pour les enfants des kibboutz qui s'étaient élevés ensemble (ou avaient été sur le pot ensemble comme le dit la formule consacrée en hébreu). A cette baisse des effectifs s'ajoutait la fin des subventions gouvernementales, après la victoire électorale du likoud en 1977. De plus, l'Etat d'Israël fut marqué par une fièvre inflationniste tout au long des années 80. Ces évènements ont radicalement changé la face du kibboutz et fait craindre pour son existence.

 

Ces mesures, qualifiées de "privatisation", ont diminué le caractère collectif du système. Sa dimension providentielle s'est atténuée. Des budgets, préfiguration d'un salaire, ont été attribués aux kibboutznikim. Les services autrefois gratuits se décomptent désormais sur ces budgets. Les lieux de vie commune ont perdu de leur intérêt. De plus en plus les salles à manger communes tendent à disparaître.

 

Pourtant, au cours des années 90, le kibboutz a attiré une nouvelle population. Non plus des sociétaires, mais des israéliens qui, à l'instar des néo-ruraux français, sont à la recherche d'un cadre de vie pavillonnaire protégé, à l'abri de l'agitation citadine. Ceux-ci ne sont pas des membres à part entière, avec les droits et les devoirs qu'impliquent cette notion, mais des locataires cooptés par le groupe. A cela s'ajoute des activités culturelles et touristiques, qui sont une source de revenus supplémentaires pour le kibboutz.

 

Cette utopie démocratique n'a semble-t-il pas encore dit son dernier mot. L'histoire du kibboutz reste encore à écrire.

 

 

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