Alors que l'agence internationale à l'énergie atomique vient de rendre son rapport sur le nucléaire iranien, la tension monte au Proche-Orient. Israël qui avait prédit l'accession à la bombe nucléaire pour 2012, sous les lazzis de la communauté internationale, prouve, une fois de plus, que ses prises de position relèvent du pragmatisme et non de la paranoïa.Les conclusions de l'AIEA ne laissent plus planer le doute sur les dérives bellicistes d'un programme qui n'a de civil que le nom.

Personne n'a oublié les déclarations d'Ahmadinejad promettant de rayer Israël de la carte. Promesse répétée à l'occasion d'un congrès international d'histoire négationniste à Téhéran, ainsi que lors de la révélation de l'existence d'un programme d'enrichissement d'uranium. Aux inquiètudes et aux mises en garde exprimées par les gouvernements israéliens successifs, les chancelleries internationales avaient répondu au droit des peuples d'user de l'énergie nucléaire à des fins civils. Une fausse candeur destinée à ne pas obérer les chances d'un renouveau des relations économiques entre l'Occident et une dictature productrice de pétrole. Il est vrai que l'engagement de troupes sous commandement U.S. en Irak s'accommodait mal d'un éventuel front militaire avec l'Iran.

Une raison d'Etat et d'opportunité mettant en péril les intérêts israéliens, mais pas seulement. Si une menace fut clairement exprimée contre Israël, le nucléaire iranien se révèle d'abord une menace pour ses voisins arabes de la péninsule arabique. Le chantage nucléaire se révèlerait ainsi une arme politique et économique pour peser sur les décisions de l'OPEP. La fin du leadership libyen, après la chute du régime de Kadhafi, ouvre désormais la porte aux revendications iraniennes. L'arme nucléaire livrerait pieds et poings liés les pays producteurs de pétrole, et par voie de conséquence l'occident, aux caprices de la diplomatie de Téhéran. C'est la raison pour laquelle, ne pouvant plus compter sur le "parapluie" américain, les Etats de la péninsule arabique ont de manière informelle noué le dialogue avec Israël.

Israël est en effet la seule puissance régionale à disposer de la capacité à résister à la pression iranienne. Il y a 30 ans, Tsahal avait anéanti le rêve nucléaire irakien à Osirak. De plus, l'incertitude relative à la capacité nucléaire israélienne conduit les puissances belligérantes de la région à la prudence. L'accès à la technologie nucléaire, contrepartie française à l'intervention israélienne dans le Sinaï en 1956, et les révélations de Vanunu donnent à penser à l'existence d'un programme militaire en la matière. En 1990, alors que se préparait la première guerre du Golfe, Itzhak Shamir, Premier Ministre d'Israël, avait promis de vitrifier Bagdad si un seul missile touchait la Terre d'Israël. Déclaration qui avait déclenché l'intervention américaine contraignant les autorités de Jérusalem à subir les bombardements en gardant l'arme au pied. Une envolée lyrique au regard des capacités de projection des forces de Tsahal de l'époque. Depuis ces capacités ont évolué, selon les spécialistes de la question.

Plaider, aujourd'hui, pour la force de la dissuasion nucléaire, pour tenter de dédramatiser la nucléarisation de l'Iran, relève du non-sens. Cette doctrine ne valait que dans le cadre de la guerre froide où elle permettait, dangereusement, à des petites et moyennes puissances de se hausser du col pour arriver aux pieds des géants américain et soviétique. Jamais encore des officiels n'avaient affirmé vouloir se l'approprier pour anéantir un pays déterminé. La question à se poser est celle du degré de fanatisme qui anime ceux qui à,  présent, cherchent à disposer de l'arme nucléaire. Et son corollaire : à quel point ceux-ci déshumanisent leur adversaire pour juger négligeables les nécessaires dommages colatéraux ? Comment ne pas douter, dans ce contexte particulier, de l'efficacité de cette doctrine de "l'équililbre des forces" ?